Amour océanique - nouveau
7 heures - 22 avril 2007 - Ile d'Oleron - Plage de la Rémigeasse
J'arrive. Le penchant des pins est affligeant, comment le vent de l'hiver les a-t-il poussés ainsi, jusqu'à les écraser de son poids ? La dune se roule devant moi. Elle plie la peau de son ventre en larges bourrelets dodus. Une laie grogne sous les fourrés épineux, ses marcassins se vautrent dans le nid de poussière fumante. Le vent glisse entre les grosses pierres qui dorment encore. La lueur rouge du soleil monte à l'assaut du ciel. Je gravis le sein sablonneux de la dune et passe à côté du poste de surveillance. Tel la proue d'un navire, il écrase tout de son regard et voit le bout de la Terre. Encore quelques pas et l'espace s'ouvre démesurément. Clair et serein, le jour se lève sur l'océan.
Le père Locé n'a rien dormi, il a gardé ses volets ouverts, toute la nuit il a ravagé et piétiné le sable et les galets. Le sable et les galets sont sa terre ferme. Ilsl'aiment. Comme toujours il balaie devant sa porte, agite son grand balai de cantonnier qui racle, qui tire à lui et repousse vite. De temps en temps il rince son grand drap blanc dans un bouillonnement d'écume et de mousse argentées. L'aube naissante y ajoute des nuances rosâtres. Locé fait le ménage. Plus haut il a oublié sur le sable une ceinture verte qui grouille encore de vie. Pendant la nuit, il a roulé et déroulé tout ce qu'il a trouvé sous lui. Et toutes les nuits comme cela.
Toujours Locé se bat amoureusement avec la terre de son rivage. Il la conquiert inlassablement. La terre a l'habitude, elle se laisse faire. Elle se couche devant lui comme une amoureuse qui attend la caresse. Elle gémit chaque fois qu'il s'abat sur elle, il l'inonde majestueusement. Quand elle est lavée, lissée, sans défaut aucun, il se recule un peu et la contemple. Alors elle laisse couler ses cheveux dorés jusqu'à lui.
Séduisante, la belle en redemande. Locé se prépare, son ventre se bombe au loin, il roule et s'approche. Il ne dit rien. Il s'élance vers sa terre chérie qui l'attend. Le silence est pesant, presque lugubre ; le vent s'est tu ; tout est silence. La terre attend, elle est son élue. L'aube emplit la plage, elle touche le large et la pointe de Gatseau. La lueur rouge, doucereusement, allume le sable. La terre chante, l'ombre des pins fatigués est froide, la terre est chaude. Locé hésite, le ventre en l'air. La terre ne voit plus que lui, il se penche sur elle comme pour l'inviter à danser. Locé, si haut, si vaste, rougi par le soleil rouge, s'étale de tout son long au pied de sa terre, dans un grand fracas, pour lui caresser tout le corps et lisser une nouvelle fois ses cheveux sans les noyer dans le sang de l'aube.
Le sable se rit des galets qui roulent en cliquetant autour de mes pieds nus. Je suis bien. Heureux. L'océan est Grand. L'océan est beau. Mes yeux sont mouillés…